Au Rwanda, le confinement accélère la livraison de médicaments par drones
La start-up américaine Zipline, à l’origine spécialisée dans le transport de poches de sang, achemine désormais des traitements contre le cancer ou des antipaludéens.
« 8 h 16. Commande n° 44906 pour l’hôpital de Byumba. Heure d’arrivée estimée : 8 h 44. » Sur son téléphone portable, le docteur Corneille Ntihabose lit l’accusé de réception de sa dernière commande de Gleevec, un médicament utilisé dans le traitement de certains cancers. C’est avec fierté que le directeur général du seul hôpital public du district de Gicumbi, dans le nord du Rwanda, explique la petite révolution que connaît son établissement depuis trois semaines.
« Il suffit d’envoyer une demande par WhatsApp, et moins d’une demi-heure plus tard, un drone arrive avec le médicament, en volant au-dessus de notre bâtiment. Le drone largue la boîte attachée à un petit parachute. Elle tombe dans l’herbe, devant notre laboratoire. Ensuite, nous remettons directement le traitement au patient ! », explique-t-il.
Cette pharmacie futuriste est le résultat d’un partenariat entre la start-up américaine Zipline, spécialisée dans la livraison par drone, et l’ONG internationale Partners In Health, qui gère l’un des deux centres de traitement du cancer que compte le pays. Le but : permettre aux patients cancéreux de continuer leur thérapie pendant la pandémie du Covid-19.
« En temps normal, les malades doivent se rendre régulièrement dans un centre d’oncologie, parfois très loin de chez eux, pour recevoir leurs médicaments. Mais avec l’interdiction de circuler, ce n’était plus possible », explique le docteur Ntihabose.
Pallier au confinement
Pour lutter contre le nouveau coronavirus, le Rwanda a en effet pris des mesures parmi les plus strictes du continent, en confinant totalement sa population dès le 22 mars. Malgré un assouplissement des mesures à partir de ce 4 mai, la circulation entre les différentes provinces du pays reste interdite. Une situation difficile pour les patients souffrant de maladies chroniques et non transmissibles, qui représentent 44 % des décès dans le pays selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Dans la presse locale, le Collectif des ligues et associations de défense des droits de l’homme au Rwanda (Cladho) s’inquiétait ainsi des conséquences du confinement sur la santé des personnes les plus vulnérables touchées par ce type de pathologies, qui seraient reléguées au second plan par la pandémie due au Covid-19.
« Il fallait absolument trouver une solution pour apporter leurs médicaments aux malades atteints du cancer », explique le docteur Cyprien Shyirambere, directeur du service d’oncologie chez Partners in Health. « Car, si leur traitement est interrompu, les symptômes peuvent revenir en quelques jours avec un risque de rechute pouvant être fatal ». Grâce à la livraison par drone, les patients sont prévenus par téléphone de l’arrivée prochaine de leur médicament dans un centre de santé près de chez eux.
Une fois sur place, ils suivent une rapide consultation avec un médecin, qui peut être guidé via téléphone ou visioconférence par un oncologue. Depuis la mi-avril, une vingtaine de patients ont bénéficié de ce type de livraison dans tout le pays. Et, déjà, beaucoup d’entre eux espèrent que le système perdurera au-delà de la pandémie.
« Prenez par exemple l’une de mes patientes de 51 ans, atteinte d’un cancer du sein et qui vit dans l’est du pays, reprend Cyprien Shyirambere. Auparavant, il lui fallait trois jours pour aller chercher ses médicaments et avoir sa consultation dans notre centre d’oncologie de Butaro, au nord du Rwanda. C’est-à-dire trois jours sans travailler sur sa parcelle, sans compter les frais de transport et d’hébergement. Aujourd’hui, elle ne dépense plus rien et elle peut être suivie par un docteur par téléphone car elle n’est plus dans la phase active de la maladie. »
Reste que seuls les patients suivant un traitement oral peuvent bénéficier du système. Ceux qui nécessitent une chimiothérapie avec transfusion sanguine doivent continuer à se rendre dans des centres spécialisés.
Lancé en 2016 au Rwanda pour distribuer en un temps record des pochettes de sang aux hôpitaux du pays, le service de livraison par drone de Zipline s’est depuis diversifié. La start-up américaine, qui fêtait ses quelque 25 000 vols dans le pays cette année, transporte maintenant des antipaludéens, des vaccins ou encore des antivenimeux vers une cinquantaine de centres de santé rwandais.
Et alors que les mesures de confinement entravent la circulation partout dans le monde, la start-up, également présente au Ghana, compte bien étendre son marché. « La semaine qui a suivi l’annonce du confinement, la demande de livraison de vaccins au Ghana a quadruplé », assure Israel Bimpe, en charge des partenariats chez Zipline.
L’entreprise, en collaboration avec les autorités ghanéennes, transporte également depuis peu des échantillons de tests de Covid-19 depuis les campagnes jusqu’à la capitale et espère commencer la distribution de masques et de gants en Caroline du Nord, aux Etats-Unis, dès le mois de juin.
Comments